Allocution de S.M. le Roi Mohammed VI lors du premier sommet Afrique -Europe

Egypte le 03/04/2000

"Louange à Dieu,
Que la prière et la paix soient sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Il m'est particulièrement agréable d'adresser aux pays africains frères et à l'Union Européenne mes félicitations pour l'initiative prise d'organiser le présent Sommet qui est de nature à donner une nouvelle orientation aux relations internationales, basées sur le dialogue, la concertation et la solidarité. Mes félicitations vont également à la République arabe d'Egypte qui accueille ce Sommet, pour l'excellente organisation des travaux et pour avoir réuni les conditions de son succès.

La tenue de ce Sommet entre les Etats membres de l'Union Européenne et les pays africains constitue un événement important et remarquable en ce début du troisième millénaire, au courant duquel l'Afrique nourrit le grand espoir de remédier de manière efficace à sa situation déplorable, afin que ses peuples soient, à l'instar de ceux du reste du monde, rassurés quant à leur avenir. Le Continent africain a subi une marginalisation qui l'a maintenu à l'écart du processus de développement global, en raison des nombreux problèmes et circonstances qu'il a vécus, ce qui a suscité un sentiment de désespoir chez les générations africaines.

En effet, de multiples obstacles se dressent toujours devant le développement et le progrès de l'Afrique. L'insuffisance des infrastructures de base handicape le processus de développement économique sans lequel les autres domaines ne sauraient connaître de progrès. Notre Continent, dont la population est de plus de 700 millions d'habitants, ne reçoit que 2 pour cent des investissements internationaux. Les trois quarts des pays les moins avancés dans le monde et les deux tiers des pays enclavés sont situés en Afrique dont la majorité des pays sont victimes de catastrophes naturelles comme la sécheresse et la désertification.

L'Afrique compte 69% de l'ensemble des personnes atteintes du syndrome immunodéficitaire acquis (Sida) et 45 millions d'enfants non scolarisés. C'est également la zone qui connaît la plus forte baisse de production alimentaire dans le monde, faisant planer le spectre de la famine sur plusieurs de ses Etats, en plus de la propagation d'épidémies et de maladies mortelles. Ce sont là autant de facteurs qui entravent toute perspective d'un développement humain durable. Pour que l'Afrique dépasse cette situation, il est devenu nécessaire de revoir toutes les conceptions précédentes qui ont montré leurs limites et se sont traduites par l'échec et l'inadaptation à la réalité.

Aujourd'hui, il nous incombe, à l'occasion de ce sommet, de réfléchir, ensemble, à des conceptions et à des méthodes nouvelles, qui soient le début d'un grand projet ambitieux, tendant à réunir de nouvelles conditions à même de contribuer à faire sortir l'Afrique de sa situation actuelle, en commençant par déclarer une guerre totale et définitive à la pauvreté. Il convient ensuite de favoriser l'instauration d'un climat positif dans lequel se conjuguent les efforts africains et internationaux en général, et européens plus particulièrement, pour initier une nouvelle ère qui ouvrirait la voie à un partenariat naturel entre les deux ensembles qui bénéficierait, dans ses différentes dimensions civilisationnelle, géographique et économique, de toutes les conditions de réus site et de pérennité.

Nous sommes aujourd'hui en présence de conditions propices caractérisées par l'augmentation du taux de croissance en Europe alors que l'Afrique connaît un déficit en infrastructures et en équipements de base. La convergence des moyens de l'Europe d'une part, des besoins et potentialités de l'Afrique d'autre part, est possible et ce, à travers une nouvelle approche stratégique de l'Europe vis-à-vis de l'Afrique, qui serait avantageuse aux deux ensembles.

Dès lors, nous considérons qu'il est de notre devoir de rappeler le projet ambitieux soumis par notre regretté père, Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu l'ait en Sa Sainte Miséricorde, pour qui les problèmes de l'Afrique constituaient une des préoccupations majeures. Ce projet consiste en la mise en œuvre d'un plan global qui tire sa philosophie du programme ayant contribué à la reconstruction de l'Europe après la seconde guerre mondiale.

Excellences,
L'endettement qui entrave le processus de développement des pays africains demeure au premier rang de leurs préoccupations et appelle une volonté ferme et résolue de la part des Etats donateurs pour y remédier de manière efficiente, que ce soit à travers l'annulation de cette dette ou la reconversion des intérêts des prêts en investissements.

La dimension humaine du développement de notre continent se pose avec la même acuité, tant la formation de l'homme africain nécessite des efforts considérables pour lutter contre l'analphabétisme, généraliser la scolarisation, l'enseignement et la qualification, et garantir la sécurité alimentaire, l'habitat décent, la santé, un environnement sain et l'accès aux technologies modernes et aux innovations dans ce domaine.

Dans cette optique, les Africains souhaitent voir l'Europe jouer un rôle dynamique et efficient, en partant de la connaissance que nos partenaires européens ont de nos réalités africaines' et de leur aptitude à appréhender les problèmes de notre continent. La révolution informatique que nous vivons est de nature à réduire le fossé existant entre nos deux continents en vue d'une connaissance mutuelle qui servira de base à des relations équilibrées et fondées sur le respect.

Pour faire face aux défis que nous affrontons de longue date, l'Europe est appelée à contribuer à la mise en œuvre d'initiatives réalistes et sérieuses, au niveau des institutions européennes ou des organismes internationaux, étant entendu que de telles initiatives et interventions doivent être à l'abri de toute conditionnalité, et prendre en considération les spécificités africaines. D'autre part, l'Europe se doit d'être à la hauteur des espoirs suscités et des exigences de solidarité dictés par les circonstances pour mettre à la disposition de notre continent les moyens et les instruments lui permettant de circonscrire les crises de plus en plus aiguës auxquelles il est confronté. Une telle attitude est en conformité avec la vision qui a sous-tendu la tenue d'une telle rencontre.

Partant de cette logique, et au-delà de l'importance du rôle de l'Union Européenne, nous devons admettre que la responsabilité première du développement durable incombe essentiellement aux Etats africains qui ont fait preuve, durant les dernières années, d'une ferme volonté d'initier des politiques de développement crédibles, contribuant ainsi à la renaissance de l'esprit de solidarité qui a constamment servi de fondement aux relations inter-africaines. Partant de sa foi en la nécessité de faire prévaloir et de consacrer cet esprit de solidarité, et en harmonie avec ses convictions africaines, le Maroc est résolument décidé à prendre des initiatives multiples en faveur de ses frères africains.

J'annonce de cette tribune l'annulation de l'ensemble des dettes des pays africains les moins avancés vis-à-vis du Royaume du Maroc et la levée de toutes les barrières douanières imposées aux produits importés de ces pays.

Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient sur vous.