Voici le texte intégral du message royal, dont lecture a été donnée par M. Abdeltif Menouni, Conseiller de SM le Roi:
”Louange à Dieu,
Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons,
Mesdames, Messieurs,
Il Nous est agréable de Nous adresser à ces importantes assises nationales sur ”la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social”. Nous avons tenu à leur conférer Notre Haut Patronage, eu égard à la place fondamentale qui revient au secteur foncier dans l’accompagnement de la dynamique de développement tout azimut que connaît le pays.
Ces assises seront, Nous l’espérons, une occasion propice pour les acteurs concernés d’établir un diagnostic collectif de la réalité de ce secteur vital, d’identifier les contraintes majeures qui l’empêchent de remplir pleinement ses fonctions et de proposer les grandes lignes d’une politique foncière nationale intégrée et efficiente.
A cet égard, Nous vous invitons à vous inspirer des vertus du dialogue et de la réflexion collective et à vous astreindre à la démarche participative que Nous avons consacrée comme une approche incontournable pour traiter les questions majeures concernant la Nation.
Mesdames, Messieurs,
Il ne vous échappe pas que le foncier est considéré comme un facteur de production stratégique et un levier fondamental pour le développement durable dans toutes ses dimensions. Par conséquent, il constitue l’assise principale pour stimuler l’investissement productif, générateur de revenu, créateur d’emplois, et aussi pour lancer des projets d’investissement dans les différents domaines de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme, des services et d’autres encore.
C’est un moteur indispensable pour l’économie nationale, car il fournit la plate-forme de base pour la mise en place des différentes infrastructures et des équipements publics. C’est aussi sur lui que repose la politique de l’Etat dans le domaine de l’urbanisme et de la planification urbaine. Et c’est par lui fondamentalement qu’est garanti le droit du citoyen au logement.
Compte tenu de la transversalité du secteur foncier, les contraintes et les enjeux auxquels il est confronté sont le lot commun des différents opérateurs et acteurs concernés. Il est donc nécessaire pour le prendre en charge, d’adopter une vision globale intégrant toutes les dimensions juridiques, institutionnelles, organisationnelles et procédurales, et tenant compte des spécificités de ce secteur ainsi que de la nature complexe et imbriquée de sa structure, qui est due à l’interpénétration d’une multitude de facteurs historiques et socio-économiques.
Le volet législatif pose également un défi majeur qui doit être relevé pour assurer la mise à niveau du secteur foncier, notamment en raison de la diversité de ses régimes et de l’absence ou l’obsolescence des textes juridiques le régissant, outre la multiplicité des opérateurs institutionnels qui en supervisent la gestion.
Nous appelons donc à une révision et une modernisation du dispositif juridique encadrant le foncier, public et privé, dans un sens garantissant la protection et la valorisation du capital foncier, ainsi qu’une efficacité accrue de son organisation, outre la simplification des procédures de sa gestion, de sorte qu’il puisse jouer le rôle qui lui revient dans le renforcement du dynamisme économique et social de notre pays.
Il faudra, de surcroît, adopter les mécanismes appropriés pour rationaliser les interventions des différents acteurs concernés, dans le cadre juridique et institutionnel actuel, et ce, en vue d’assurer toute l’efficacité requise, aux niveaux national et territorial, tant pour ce qui est de la planification de la politique foncière de l’Etat, que pour ce qui concerne le suivi de sa mise en œuvre et l’évaluation de son impact.
Afin de renforcer la sécurité du foncier, de protéger la propriété immobilière et d’en accroitre la valeur économique et fiduciaire, il est impératif de multiplier les efforts pour accélérer la cadence des enregistrements à la conservation foncière, dans la perspective de les généraliser sur l’ensemble du territoire national. Il importe également de mettre à contribution la technologie numérique qui est en plein essor dans le monde, pour assurer la maîtrise, la stabilisation et l’échangeabilité de la structure foncière.
Compte tenu de l’importance du facteur humain, auquel Nous réservons notre constante sollicitude, il faut continuer à œuvrer pour rehausser le niveau de formation fondamentale et continue des ressources humaines ayant en charge la gestion du secteur foncier, notamment en favorisant la spécialisation et l’ouverture sur les innovations qui s’opèrent en la matière aux niveaux national et international.
Dans le même esprit, Nous préconisons de s’atteler à la réforme du régime des terres collectives, et apprécions l’ouverture d’un dialogue à cet effet, ainsi que l’exploitation et la capitalisation de ses résultats et de ses retombées fondamentales. Le but recherché est de mettre à niveau les terres soulaliyates et de faire en sorte qu’elles puissent apporter leur contribution à l’effort de développement. Il s’agit, en outre, d’en faire un moyen d’intégration des ayant-droits dans cette dynamique nationale, dans le cadre des principes de droit et de justice sociale, en dehors de toute considération surannée.
Nous appelons donc à des efforts concertés pour faire aboutir l’opération d’appropriation au profit des ayant-droits et à titre gracieux, des terres collectives situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation.
Nous engageons également toutes les parties prenantes gouvernementales à accélérer l’apurement de la situation juridique des terres collectives, en vue de créer un climat propice à l’intégration optimale de ces terres dans le processus de développement économique et social du pays.
Afin de répondre aux attentes exprimées par les collectivités soulaliyates et les différents acteurs économiques et sociaux pendant le Dialogue national sur les terres collectives, tenu en 2014, il est nécessaire de revoir le cadre juridique et institutionnel y afférent et de simplifier les procédures pour assurer une gestion plus efficiente de ce capital immobilier.
Mesdames, Messieurs,
Si le foncier tient le rôle clé dans le domaine de l’urbanisme et de la planification urbaine, les documents d’urbanisme et les outils de planification urbaine doivent être dédiés au service des citoyens. Il faut donc assurer un bon aménagement de l’espace urbain, réduire les disparités spatiales et consacrer la justice sociale, sans pour autant que ces documents soient un moyen de spéculation allant à l’encontre des intérêts des citoyens.
L’urbanisme devrait être un levier pour mettre en place une justice foncière dans la répartition des charges et des servitudes d’utilité publique entre les propriétaires terriens et pour assurer une distribution juste de la plus-value issue des documents d’urbanisme.
A cet égard, Nous devons souligner à nouveau la nécessité d’activer l’adoption du nouveau Code de l’urbanisme, dont Nous avons déjà lancé le processus d’élaboration. Le but est d’assurer la flexibilité nécessaire à la préparation et la mise en œuvre des documents d’urbanisme et de s’attacher à ce que ces derniers soient un moyen efficace pour la mobilisation des biens fonciers et la lutte contre la spéculation foncière.
Concernant le rôle du foncier dans le domaine du logement, auquel Nous attachons tout Notre intérêt, Nous insistons sur la nécessité de mettre en place des mécanismes opérationnels et procéduraux de contrôle du marché foncier. Le but est de prévenir la spéculation et ses incidences sur les prix, d’inventer des solutions novatrices pour financer le foncier destiné au logement et de faire prévaloir la transparence dans les procédures de mobilisation du foncier, de sorte à faciliter l’accès des citoyens à un logement décent et digne.
Par ailleurs, Nous exhortons le gouvernement à poursuivre la réforme des systèmes fonciers liés à l’investissement agricole, de manière à ce que le foncier devienne un pilier essentiel pour la promotion agricole et un levier pour le développement rural, qui figure prioritairement parmi Nos préoccupations.
Nous tenons à réaffirmer l’importance de la valorisation du foncier agricole relevant du domaine privé de l’Etat. A travers le partenariat entre l’Etat et le secteur privé, cette démarche a permis, en effet, de réaliser des résultats socio-économiques très positifs qui ont contribué au développement du secteur agricole, et qui se sont concrétisés localement par la création d’une valeur ajoutée et d’importantes richesses supplémentaires, ainsi que de nombreux emplois.
La promotion de l’investissement est tributaire de la disponibilité du foncier, considéré comme la plate-forme destinée à abriter les projets de développement et d’investissement. Aussi, il convient de concentrer les efforts sur la facilitation de l’accès des investisseurs au foncier et la simplification des procédures de transfert et d’échange y afférentes. Il importe également d’assurer la valorisation du foncier public et d’y garantir l’accès selon les règles de transparence et d’égalité des chances et dans le cadre d’une fiscalité foncière juste, efficiente, favorable à l’investissement et de nature à concilier la préservation des droits des propriétaires et de l’Etat avec la nécessité de garantir une contribution active du foncier à la dynamique économique.
Mesdames, Messieurs,
Accroître l’efficacité et l’efficience de la politique foncière de l’Etat nécessite l’adoption d’une stratégie nationale intégrée clairement définie et son opérationnalisation sous forme de plans d’action comprenant tous les aspects relatifs à l’élaboration et l’exécution de cette politique, avec ce qui s’y rattache en termes de dispositions législatives, réglementaires, procédurales et autres et dans le cadre de la complémentarité entre l’Etat et les collectivités territoriales en tant qu’acteur clé dans le développement territorial.
Parce que l’évaluation, qui constitue l’un des ressorts de la bonne gouvernance, doit être une partie intégrante des mécanismes de la gestion publique, l’opérationnalisation de toute politique foncière réussie reste tributaire du niveau d’accompagnement qui lui est assuré à travers le suivi et l’évaluation continue des choix faits par l’Etat en matière de gestion du foncier. Le but est de mesurer l’impact de ces choix sur les différents secteurs économique, social et environnemental et, partant, d’en corriger les dysfonctionnements et d’en améliorer l’efficience et l’efficacité.
Nous sommes persuadé que les idées et les propositions qui émergeront des travaux de vos assises, sont de nature à contribuer à mettre au point une feuille de route pour l’élaboration et l’exécution d’une politique foncière nationale intégrée, propre à surmonter les contraintes liées à ce secteur et à répondre aux exigences croissantes du développement socio-économique du pays. Cet effort aidera à la réalisation de notre aspiration à consolider les bases d’une société équilibrée et solidaire aux niveaux social et territorial.
Que Dieu vous assiste et couronne vos travaux de succès.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh”.