Message de S.M. le Roi Mohammed VI au séminaire euro-méditerranéen sur le droit et les politiques de concurrence

Casablanca le 18/07/2000

"Louange à Dieu
Que la paix et la prière soient sur le Prophète, sa Famille et ses Compagnons
Mesdames et messieurs,
 
Il nous est agréable de nous adresser aux participants à ce séminaire, organisé en partenariat entre le gouvernement de notre Majesté et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), pour examiner les dimensions du droit et des politiques de la concurrence dans l’espace euro-méditerranéen et le contexte international et leurs répercussions profondes sur le processus de développement économique et le bien-être social, particulièrement en cette étape historique au cours de laquelle la scène internationale connaît des mutations accélérées dans les domaines de la technologie, des communications et des sciences de l’information.
 
Ces mutations consacrent le processus de mondialisation de la production, des échanges et du financement, dépassant les frontières des économies nationales et unifiant le référentiel régissant les modes de gestion et les normes éthiques auxquelles sont appelés à se conformer les comportements et les transactions.
 
Il est aussi devenu patent que l’ère des régimes de protectionnisme économique et des thèses d’autosuffisance est révolue, emportée par les aspirations à l’ouverture et aux échanges, la prise de conscience par les Etats et les peuples que la division du travail à l’échelon international obéira, à l’avenir, aux facteurs de la compétitivité et des avantages comparatifs, et que la prééminence des Etats sera fonction de leur capacité d’échanges de produits et de services, sur la base du respect de la réciprocité, de la créativité, de la qualité et de l’excellence.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Ces mutations sont de nature à ouvrir aux pays en développement de larges perspectives de progrès et de prospérité s’ils parviennent à tirer profit des opportunités qu’elles leur offrent et à éviter les risques qu’elles recèlent et qui menacent les équilibres entre les régions, les catégories sociales et la protection de l’environnement et s’ils accordent, à cet effet, la priorité, dans leur effort national, à la restructuration de leurs appareils productifs, à la mise en valeur de leurs potentialités matérielles et à la valorisation de leurs ressources humaines et institutionnelles afin d’acquérir l’invulnérabilité stratégique, gagner le pari de la compétitivité économique, assurer leur développement social et préserver leur identité civilisationnelle. Cependant, l’accès aux marchés commerciaux et financiers reste limité, sinon fermé, dans la plupart des cas, devant l’ampleur du poids de la dette, ce qui constitue pour eux un véritable obstacle pour la mise à niveau de leur économie et pour la réalisation des conditions d’un développement durable garantissant leur stabilité politique et leur progrès social.
 
Cela conforte notre conviction quant à la nécessité de persévérer dans l’action visant à dégager des formules plus appropriées, susceptibles de renforcer la coopération internationale et d’assurer une meilleure adaption de son contenu au regard des contraintes induites par les profondes mutations que connaît le monde, des gigantesques avancées scientifiques, des grandes innovations technologiques et des ambitions de l’humanité qui marquent le début du 21ème siècle.
 
C’est pourquoi nous tenons à saluer les efforts déployés, à cet égard, par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ainsi que par la Communauté européenne, à commencer par la Charte de La Havane de 1947, en passant par les dispositions du code des Nations Unies sur l’ensemble des principes et règles multilatérales pour la lutte contre les pratiques commerciales restrictives adopté en 1980, jusqu’aux résultats de la conférence de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, réunie en 1994 à Marrakech et qui a donné naissance à l’Organisation mondiale du commerce.
 
Cette activité internationale ouverte, à une large échelle, sur les échanges et visant à réunir les conditions à même de réaliser les objectifs escomptés du commerce international au profit de tous les pays, et de consolider la prospérité sociale, la protection des intérêts économiques des consommateurs, constitue, dans ses différentes étapes - avec toutes les conclusions et recommandations qui les ont marquées- les référentiels historiques du droit international pour la concurrence sur la base desquels la communauté internationale cherche, aujourd’hui, à établir une plate-forme des législations nationales dans le domaine des transactions commerciales, en vue de promouvoir les valeurs de transparence, d’honnêteté et d’égalité des chances au profit de toutes les parties intervenant tant dans le processus de créativité, de production, de financement, de commerce que de consommation.
 
A cette occasion, nous voudrions réaffirmer devant vous que le Royaume du Maroc, Etat séculaire aux traditions puisées dans la religion islamique - dont les nobles préceptes s’opposent à toutes les formes de monopole, de fraude ou de discrimination et appellent à l’émulation dans la recherche des bienfaits et à un comportement honnête dans les rapports avec les autres, - quelle que soit leur appartenance ethnique, religieuse ou nationale - continuera à œuvrer avec détermination pour la mise à niveau du cadre juridique et institutionnel de son économie nationale, dans le but d’assurer les meilleures conditions de son intégration dans le processus de mondialisation, avec toutes les exigences qu’elle implique en matière de compétitivité économique, telles qu’adoptées aujourd’hui par la communauté internationale.
 
Nous sommes résolus à conforter ces acquis dans le cadre de l’ambitieuse option démocratique que nous avons choisie afin de faire accéder notre pays à la place de choix qui lui sied dans le concert des nations démocratiques, en tant qu’Etat de droit, occupant une position d’avant-garde dans son environnement régional, fort de son pluralisme politique, social et culturel, soucieux d’asseoir une économie compétitive libérale, fondée sur la libre initiative et l’émulation pour atteindre l’excellence, et favorisant la réalisation de la solidarité sociale et de l’épanouissement culturel.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Nous nous félicitons que ce séminaire euro-méditerranéen sur le droit et les politiques de concurrence se tienne sur le sol de notre Royaume. Notre conviction est que ses travaux, qui réunissent une élite d’experts, de chercheurs et de professionnels renommés, déboucheront sur des résultats qui consolideront le processus de Barcelone, ouvriront des horizons plus larges devant une action commune et réuniront les conditions d’une coordination continue et d’une coopération fructueuse entre les instances supervisant la concurrence dans cette région vitale du monde, afin d’ancrer davantage l’esprit de solidarité et de partenariat pour réaliser un développement durable et une prospérité partagée.
 
Ce forum, nous l’espérons, constituera, de ce fait, un moment de consensus privilégié dans le processus de préparation de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement pour la révision de l’ensemble des principes et règles de la concurrence afin d’instaurer un système juridique et économique mondial de la concurrence, imprégné de hautes valeurs morales, faisant du développement, outre ses objectifs matériels, l’un des instruments de promotion des droits de l’Homme et de la légitimité de son aspiration à bâtir des économies assurant une vie digne à tous les humains.
 
Nous avons l’espoir que cette rencontre sera également un événement marquant dans l’optique des actions envisagées par la Ligue arabe en matière d’élaboration d’une loi de référence dans le domaine de la concurrence, dont la plate-forme devrait focaliser les volontés des Etats membres de la zone arabe de libre-échange pour mettre au point un cadre juridique unifié, organisant une concurrence honnête et susceptible de favoriser l’intensification des échanges bilatéraux au niveau du monde arabe.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Le choix porté sur notre Royaume par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement pour abriter ce séminaire portant sur le droit et les politiques de concurrence, au moment même où le Maroc assure la présidence du Groupe des 77 et la Chine , et ce dans un contexte marqué par le début d’application des dispositions de la nouvelle loi sur la liberté des prix et la concurrence dans notre pays - qui n’est qu’une partie d’un dispositif législatif global à travers lequel nous entendons consacrer l’Etat de droit dans le domaine des affaires- constitue assurément un facteur incitatif pour votre gouvernement et les différentes organisations professionnelles qui devront entreprendre des programmes de communication sur toute l’étendue de notre Royaume, afin d’enraciner la culture de la concurrence et de la saine émulation, à une large échelle, et de favoriser l’assimilation de la lettre et de l’esprit de la loi, de la part de tous, avec les principes et règles universels de la concurrence qu’elle contient, et les spécificités nationales qu’elle a prises en compte et qui s’inscrivent dans le droit légitime de tout pays d’adapter toute mesure qui répond à sa situation et s’harmonise avec la nature de l’étape que traversent son économie et sa société, par souci de préserver ses équilibres et sa stabilité.
 
Nous souhaitons aux hôtes de notre Royaume un excellent séjour parmi nous et à leurs travaux, plein succès et réussite.
 
Que la paix, la bénédiction et la miséricorde de Dieu soient sur vous’.